Olivier Schneider : « La fin du tout voiture, ça se provoque ! »
Le président de la Fédération des usagers de la bicyclette, Olivier Schneider, entrevoit la fin de la domination de la voiture. Il dévoile une offre de location de vélo pour les précaires. Il propose d'obliger les employeurs à prendre en charge 50 % d'un leasing de vélo. Interview.

Il est l’un des personnages les plus influents du monde du vélo. Président de la Fédération des usagers de la bicyclette (Fub) depuis 2015, Olivier Schneider a réussi à imposer ce réseau de 500 associations locales de cyclistes comme interlocuteur régulier et écouté des pouvoirs publics. En marge du 23e congrès de la Fub, qui s’est déroulé les 9 et 10 mars 2023 à Rennes, ce représentant du “lobby du vélo” a pris le temps de répondre aux questions de Picala.
Picala - L’intitulé de votre 23e congrès qui s’est terminé vendredi 10 mars 2023 était « Le vélo, incontournable dans l’après tout voiture ». C’est quoi “l’après tout voiture” ?
OLIVIER SCHNEIDER - Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, un certain nombre de pays, dont la France, ont pris le parti, en pensant que c’était le progrès, de tout organiser pour et autour de la voiture. L’automobile représente plus de 80 % de la mobilité des Français et des milliards d’euros investis dans la construction de routes, d’autoroutes, de parkings… Nous savons, depuis le choc pétrolier de 1970, que cette voie est sans issue. Pourtant, nous y restons. Aujourd’hui, pour faire face aux enjeux climatiques, on veut remplacer des voitures thermiques par d’autres voitures (NDLR : électriques ou hybrides), qui seront d’ailleurs plus chères, plus grandes et plus encombrantes dans les centres-villes. Le tout automobile évolue en permanence. Mais nous sommes peut-être à l’orée d’en sortir.
Qu’est-ce qui vous fait entrevoir un changement de cap ?
En février 2023, Elisabeth Borne a reçu le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures. A cette occasion, la Première ministre a annoncé vouloir investir 100 milliards d’euros dans le réseau ferroviaire et elle a repris l’idée de création de RER métropolitains. Il y aura donc plus de trains et il a été dit, aussi, qu’il y aurait beaucoup moins d’investissements routiers. Je pense que c’est le début de la fin du tout voiture, mais ce n’est pas gagné, car les lobbys de l’auto et du BTP sont extrêmement influents et puissants.
Quel est le rapport avec le vélo ?
Pour remplir les trains, il faudra bien arriver à la gare, à pied, à vélo ou en voiture. Aux Pays-Bas, 52 % des voyages ferroviaires débutent à vélo. Pourquoi ? Parce qu’ils ont bien pensé l’intermodalité. La fin du tout voiture, ça se provoque ! C’est forcément la combinaison de plusieurs modes de transport qui constitue une alternative au “tout automobile”. On ne remplacera pas le “tout voiture” par du “tout vélo”, mais par un peu de covoiturage, de transport en commun, de marche, de vélo, de réaménagement du territoire et d’optimisation des déplacements. Pour faire du vélo un transport de masse, il faut que les différents modes de transport puissent communiquer entre eux. Et nous avons aussi besoin d’une nouvelle génération vélo. Il faut transformer l’essai du “savoir rouler à vélo “ (NDLR : formations organisées dans les écoles en primaire), continuer à former aujourd’hui les enfants de 6 à 11 ans et construire les pistes cyclables ou d’autres solutions sécurisés pour qu’ils puissent aller au collège à vélo.
Le vélo comme transport de masse. En ville, peut-être. Mais, à la campagne, se déplacer à bicyclette au quotidien, est-ce vraiment possible ?
On ne souhaite pas imposer du tout vélo à tout le monde à la campagne. Mais on doit créer les conditions pour que, lorsque l’on habite en milieu rural, ou peu dense, on puisse effectuer les déplacements de moins de 10 kilomètres à vélo. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Prendre des départementales limitées à 80 kilomètres heures sans piste cyclable…
C’est chaud !
Oui, c’est chaud ! D’ailleurs, l’augmentation des accidents mortels en 2022 par rapport à 2019 (NDLR : 244 cyclistes décédés en 2022, + 30% par rapport à 2019 ) est vraiment concentrée sur le hors agglomération.
La liberté de mouvement, partout, sur tout le territoire, pour tous, aujourd’hui, c’est la voiture…
Dans l’imaginaire collectif ! En réalité, tout le monde ne possède pas de voiture. Des millions de Français n’ont aucune solution de mobilité.
D’où la proposition gouvernementale de disposer de voitures électriques à 100 euros par mois…
La mesure est repoussée en permanence parce que ce n’est pas faisable, sauf à financer l’achat de voitures électriques fabriquées en Chine. On ne va quand même pas subventionner avec de l’argent public l’industrie automobile étrangère ! En revanche, on pourrait avoir des vélos fabriqués ou refaits à neuf en France pour quelques dizaines d’euros par mois.
Est-ce dans les tuyaux ?
Oui, nous allons lancé un programme dit CEE (NDLR : Certificats d’Economie d’Energie, un système de financement d’actions en faveur de la sobriété énergétique) dans les prochains mois. Il s’appelle “Mon vélo de A à Z” et durera 4 ans. Les détails de ce programme ne sont pas encore finalisés. Mais nous allons réinitier des filières de réemploi pour que des personnes en situation de précarité puissent avoir accès à un vélo de qualité, refait en France. Pour quelques euros par mois, elles auront la possibilité de louer un vélo remis en état. Cette offre incluera l’entretien, un bon antivol et pour ceux qui en ont besoin une initiation au vélo.
Et pour les autres ?
De manière concomitante au lancement de “Mon vélo de A à Z”, nous souhaitons qu’un dispositif classique (NDLR : de leasing ) voit aussi le jour. En s’inspirant de la voiture à 100 euros, je propose que l’on puisse accéder à des vélos neufs ou d’occasion pour “X” euros par mois. Pour les salariés, l’employeur prendrait, de manière obligatoire, la moitié de la dépense mensuelle, comme il le fait aujourd’hui pour les dépenses de transports en commun. Cette prise en charge de 50 % serait conditionnée à ce que le vélo soit de qualité et elle couvrirait l’entretien et l’assurance vol. Nous sommes en train d’en discuter avec l’Etat, des acteurs industriels et le monde de l’assurance. Cela réglerait le problème de trésorerie qui se pose lorsque l’on souhaite acheter un vélo haut de gamme et créerait l’habitude de bien entretenir son vélo. C’est ce qu’ont déjà fait des pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou l’Irlande.
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