Rutile : la PME éthique qui fracasse le prix des vélos électriques
Retaper des vélos électriques d’occasion et les vendre à prix cassés : le concept du vélo électrique reconditionné fait fureur. Rencontre avec les précurseurs lyonnais de Rutile.bike. Des “gones” aussi attentifs au portefeuille de leurs clients qu’à leur impact sur l’environnement.

Lorsqu’après une poignée de main chaleureuse, Adrien Goxe vous offre un café de bienvenue, ce jeune entrepreneur lyonnais ne vous sert pas le traditionnel jus de chaussette d’entreprise, à base de lyophilisé tiédasse dans un gobelet jetable. Le cofondateur de Rutile.bike vous rapporte une fumante tasse d’expresso. Ce détail résume bien la philosophie de cette start-up lyonnaise, issue de l’économie sociale et solidaire et spécialisée dans la remise en état de vélos électriques d’occasion : toujours miser sur la qualité et limiter au maximum l’impact environnemental. Installée à Lyon, dans les locaux du Grand plateau – un collectif d’entreprises du monde du vélo -, Rutile.bike s’appuie sur une recette qui a largement fait ses preuves dans le monde de l’auto : vendre des véhicules d’occasion … sous garantie (1 an). Rutile a donc tout intérêt à s’assurer que ses vélos sont en état de fonctionnement. Chaque biclou passe entre les mains expertes d’un mécanicien vélo expérimenté qui effectue 36 points de contrôle : test de la batterie, de la chaîne, des plaquettes de frein, entretien de la fourche… Si nécessaire, les pièces sont remplacées, avant la remise en vente du vélo à prix cassés. Des exemples ? Fin juin 2023, leur site proposait un vélo électrique de la marque allemande Riese & Müller à 2999 euros, au lieu de 3989 euros neufs. Autre pépite dénichée sur ce site : un Moustache Lundi 27.1 à 2199 euros, soit 800 euros économisés par rapport au prix du neuf. Bref, le reconditionné, c’est un peu comme les soldes, mais c’est tous les jours, et sans les effets néfastes de la surconsommation (émissions de CO2 etc.). Bon pour le portefeuille des cyclistes, bon pour la planète : « what else ? », comme dirait George.
Une idée efficace née en sortie de Covid dans la tête de l’autre cofondateur, Thibaud Thomé. Cet ingénieur lyonnais cherche en 2020 à limiter au maximum ses déplacements polluants. « Ma femme et moi adorons nous déplacer à vélo, nous avions deux voitures et étions décidés à nous séparer d’un véhicule », se remémore le Lyonnais. Thibaud Thomé se tourne alors vers le vélo électrique. « J’ai cherché à en trouver un d’occasion. J’ai regardé sur les sites de petites annonces. Mais un vélo électrique d’occasion se vend plus de 2 000 €, j’avais besoin de garanties sur l’état du vélo, notamment sur la batterie », explique cet ingénieur. Il poursuit : « cela manquait d’un tiers de confiance, un reconditionneur en capacité d’apporter des éléments de réassurance ». Bref, il manquait un chaînon au vélo électrique d’occasion, une sorte de “Backmarket” du vélo électrique, pour prouver que le vélo n’est ni volé, ni vicié. Comme l’envie d’entreprendre le chatouille depuis quelques années, Thibaud Thomé décide de tester le concept. Comment évaluer une telle idée sans site internet, ni même connaissance particulière en mécanique vélo ? « J'ai acheté des vélos sur des sites de petites annonces, je négociais les prix au maximum et je les confiais ensuite à un atelier partenaire », se remémore-t-il. Les vélos étaient alors contrôlés et réparés par un pro.« J'en ai vendu quelques-uns en faisant 200 à 300 € de marge nette à chaque fois. Ça a complètement validé le modèle économique », glisse-t-il.
Valider un concept, c’est bien. Mais le transformer en business, sans y laisser sa chemise et ses valeurs, c’est une autre paire de manches. « Tout le monde me conseillait d’être en “mode SAAS”, c’est-à-dire de ne fournir qu’un service, de n’être qu’un tiers de confiance, sans stock. Je n'y ai jamais cru. Au contraire, le bon modèle économique est un peu plus “à l’ancienne”, c’est celui de la boutique : acheter des vélos et les reconditionner soi-même », affirme Thibaud Thomé. Encore faut-il disposer d’un stock suffisant de vélos d’occasion. Où trouvent-ils tous ces biclous ? Principalement chez les différents professionnels du vélo. Un exemple ? Prenez les commerces physiques de vélos. Comme les biclous neufs sont de plus en plus chers, les commerçants ont tout intérêt à proposer à leurs clients des “offres de reprise” de leurs anciennes montures. Des reprises effectuées, en réalité, par Rutile. Autre astuce pour développer le stock de vélos à vendre : une offre de vélos de « seconde chance ». En clair, Rutile rachète des vélos électriques neufs ou quasi neufs mais destinés à la benne car les marques les jugent non commercialisables en l’état (légers défauts de peinture etc.). Toutes ces astuces permettent à Rutile d’élargir son offre de vélos. A l’heure où nous écrivons ces lignes, elle proposait 63 modèles en ligne.
« Lorsque nous rachetons un vélo électrique, nous avons des critères d'exigence : il doit avoir moins de 5 ans, être équipé uniquement de certaines marques pour la motorisation (Bosch, Shimano, Yamaha, Brose) etc. L’objectif c’est de travailler sur des vélos de qualité pour assurer au client final que son vélo aura une vraie seconde vie », assure Adrien Goxe. Cette PME a ainsi vendu 200 vélos l’année dernière et espère tripler de volume cette année. « Si nous étions moins exigeants sur nos achats, nous pourrions faire beaucoup plus de volume, poursuit Thibaud Thomé, c'est clair et net, mais c'est un vrai choix : nous ne voulons pas faciliter la circulation en France de vélos électriques bas de gamme. »
Or, dans ce business de vente en ligne, la taille du stock est une donnée cruciale. Si Rutile a été l’un des premiers à se lancer dans le business du vélo électrique reconditionné, les acteurs sont aujourd’hui nombreux sur le marché. Ils s’appellent Upway, Loop Sports ou encore Loewi (et bien d’autres…). Ils ont tous, ou presque, enchaîné les levées de fonds. L’intérêt ? Disposer du cash nécessaire pour acheter des vélos électriques en nombre. Alors, pour Rutile.bike, accélérer devient stratégique. La PME espère, à son tour, bientôt, elle aussi, lever des fonds. Avec une idée en tête : devenir, à terme, “l’Aramis auto” du vélo électrique, c’est-à-dire proposer des vélos électriques reconditionnés de qualité en ligne mais aussi dans des magasins physiques.
Un « manifeste» pour une « économie circulaire du vélo électrique ».
Entreprise de l’économie sociale et solidaire, Rutile vient de publier un “manifeste” de 20 pages. Elle y exprime son souhait de voir apparaître une économie circulaire du vélo. « Alors que la France comptera plus de 5 millions de VAE en circulation d’ici à deux ans, il est urgent de s’interroger dès maintenant sur le devenir de ces millions de vélos électriques de seconde main », soulignent les auteurs. En clair, ne construisons pas une économie du vélo fondée sur le principe du vélo jetable. « L’économie circulaire a déjà démontré dans de nombreux autres domaines sa forte valeur ajoutée en matière de développement durable, appliquons ses principes au secteur du vélo », soulignent les auteurs. Ils en appellent à la constitution d’une « Fédération de l’économie circulaire du vélo ».
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