Vélos électriques : cyclistes partout, emplois nulle part ?
Laminée par la concurrence internationale depuis plusieurs décennies, l’industrie tricolore ne profite pas pleinement du boom du vélo. Mandaté par le gouvernement, le député Guillaume Gouffier-Cha propose des pistes pour la remettre en selle.

La France produit plus de cyclistes que de vélos ! Alors que nous sommes toujours plus nombreux à enfourcher nos bicyclettes, les pouvoirs publics s’intéressent aux retombées économiques de cette nouvelle passion hexagonale. Estimant, en septembre 2021, que « l’essor du marché du vélo en France ne bénéficie pas encore pleinement à son industrie » , le gouvernement a confié une mission parlementaire au député du Val-de-Marne Guillaume Gouffier-Cha (LREM) afin de « faire des propositions pour développer la relocalisation sur le territoire national » . Rendu début 2022, ce rapport (disponible ici en version longue) pose un constat dérangeant : l’industrie du vélo en France n’emploierait que 3 000 à 4 000 personnes (contre plus de 9 500 en Allemagne). Et qu’en sera-t-il demain ? Selon ce député, à l’horizon 2050, ce sont 45 000 jobs qui pourraient être créés. Mieux, si l’on élargit un peu la réflexion, en tenant compte aussi des “services vélos” (la réparation, l’entretien, les locations etc.) - qui pèsent déjà, à la louche, plus de 10 000 emplois en France - la filière vélo peut espérer faire vivre 100 000 personnes en 2050. Les perspectives sont encourageantes. Mais, pour qu’elles se réalisent, industriels et pouvoirs publics vont devoir se bouger. Voici, selon ce député, comment la France peut se remettre dans la course aux emplois dans le monde du cycle.
De la piste naît le cycliste ! Puisque le vélo ne pollue pas - ou plutôt pas trop dans le cas des VAE -, le gouvernement a élaboré un “plan vélo” en 2018. Objectif : passer la “part modale” du vélo de 2,7 % en 2019 à 9 % en 2024 et 12 % en 2030. En clair, délaisser la bagnole et prendre trois fois plus souvent la bicyclette pour les déplacements du quotidien (aller au boulot etc.) en 5 ans. Dit comme ça, cela paraît facilement faisable mais…« Cela implique une croissance annuelle de l’ordre de 27 % (de l’usage du vélo) !» , rappelle Guillaume Gouffier-Cha. Et de préciser : « chiffre qui a été atteint en 2020 (hors période de confinement), mais qu’il semble difficile d’atteindre dans la durée sans investissements massifs pour lever les freins à la pratique. » Car, l’expérience récente - celle, entre autres, des “ coronapistes ” - le prouve : quand les pistes sécurisées sortent de terre, les cyclistes sortent leurs vélos du garage. Ainsi, selon un sondage réalisé en 2022 pour la Fédération des usagers des bicyclettes (FUB), 53 % des Français utiliseraient davantage le vélo s’il y avait des infrastructures plus adaptées près de chez eux. Combien de kilomètres supplémentaires faudrait-il créer pour rassurer les Français et leur faire lâcher la voiture au profit du vélo ? Guillaume Gouffier-Cha chiffre à environ 100 000, le nombre de kilomètres de vraies pistes cyclables (sécurisées, protégées du reste de la circulation routière, pas juste un petit coup de peinture blanche sur l’asphalte) nécessaires d’ici à 2030 pour atteindre les objectifs. Soit, pour faire simple, quasiment un doublement du réseau existant ! Et, comme tout le monde ou presque a la trouille de se faire dérober son vélo, la construction de 3 à 20 millions de places de parkings sécurisées pour les vélos s’avère aussi nécessaires.
Sortir le chéquier. Tout cela coûte de l’argent. Beaucoup ? Pas tant que cela, comparativement à ce que les pouvoirs publics mettent sur la table chaque année pour la voiture. « Le niveau moyen d’engagements financiers pour le vélo atteint environ 10 euros par an et par habitant quand il est de 271 euros pour les politiques routières. Autant le dire tout de suite, c’est un niveau d’engagement budgétaire qui ne peut pas nous permettre de réellement développer la pratique du vélo comme moyen de transport dans notre pays » , martèle Guillaume Gouffier-Cha. Il en faudrait environ trois fois plus pour être dans les clous, soit donc aux alentours de 25 voire 30 euros/an/hab. Tout compris. La facture totale pour les finances publiques s’élèverait à 1,6 milliard d’euros chaque année. L’essentiel serait pris en charge par les collectivités locales. Le reste, par l’Etat. Le hic, c’est que, pour l’instant, l’Etat est encore loin du compte : 50 millions d’euros par an sont sur la table jusqu’en 2023. L’Etat devra donc muscler son jeu pour arriver à un rythme de croisière, estimé par ce député, à « 400 millions d’euros d’investissements chaque année » .
Structurer une filière forte. Pour inciter les pouvoirs publics à mettre la main au portefeuille et, plus globalement, construire une véritable politique cyclable en France, le monde du vélo est donc appelé par Guillaume Gouffier-Cha à se structurer en « filière vélo » , c’est-à-dire en un acteur puissant représentant tous les intervenants du secteur : industrie, réparateurs, collectivités, associations d’usagers etc. Une préconisation visiblement entendue puisque, quelques jours après la publication de ce rapport, plusieurs grandes structures - la FUB, Vélo & Territoires, le Club des villes et territoires cyclables et marchables (CVTCM), l’Union Sport & Cycle et l’Association de promotion et d’identification des cycles et de la mobilité active (APIC) se sont regroupés au sein d’une Alliance pour le vélo.
Faisons un petit point d’étape : pour avoir plus de cyclistes, il faut plus de pistes. Pour construire des pistes, il faut plus de sous. Et pour obtenir, entre autres, de l’argent, il faut un lobby fort. Reste à savoir si le fait d’avoir plus de cyclistes a un intérêt pour l’industrie.
Plus de cyclistes, c’est plus de biz. « Les perspectives d’évolution du nombre de vélos vendus et notamment du nombre de VAE vendus sont bien entendu totalement corrélées à l’évolution de la pratique du vélo du quotidien en France » , estime le député Guillaume Gouffier-Cha. Et de poursuivre : « Si les objectifs de développement des infrastructures sont réalisés et qu’ils entraînent une hausse de la pratique quotidienne, nous devrons nous attendre à un rattrapage du parc vélo utilitaire des Français avec une montée en gamme réelle. » Pourquoi ? « En passant à une pratique quotidienne du vélo, les Français revoient à la hausse leurs exigences en termes de qualité d’équipements, mais aussi le budget qu’ils sont prêts à y consacrer » , assure-t-il. Le cycliste exigeant serait l’ami du vendeur de vélo. Oui, mais un vendeur de vélo fabriqué en France ou à l’étranger ?
Des vélos peu produits France. « Aujourd’hui, sur les 2,685 millions de vélos vendus en France, seuls 690 000 y sont assemblés » , explique Guillaume Gouffier-Cha. Ce chiffre inclut quelque 261 000 vélos à assistance électrique. « La France produit l’équivalent d’un quart des vélos vendus en France » , souligne le député. On est loin des autres niveaux européens. Pire, « la plupart des pièces qui composent un vélo fabriqué et vendu en France, à commencer par le cadre, sont fabriquées en Asie à des prix particulièrement bas et sont transportées par conteneur par voie maritime » . Distancés par la concurrence asiatique dans les années 1990, les industriels tricolores ne disposeraient plus des savoir-faire nécessaires pour fabriquer un vélo de A à Z. « Nous savons construire un sous-marin nucléaire ou un Rafale, mais nous ne savons plus faire un dérailleur de vélo ou un cadre » , s’en désole le député.
Monter vers le “haut de gamme” grâce à d’autres industries. Pour faire face à cette panne de compétences, la filière vélo devrait taper aux portes d’autres industries. « Les acteurs du vélo, de l’automobile, de l’aéronautique, de l’électronique, du décolletage, de la French tech, etc. doivent travailler ensemble » , estime Guillaume Gouffier-Cha. Des industriels qui pourraient apporter leur savoir-faire pour la construction de cadres ou de pièces essentielles à des vélos plus “haut de gamme” comme les vélos à assistance électrique et/ou les vélos cargos. « La France possède un appareil industriel automobile puissant, capable d’investir en R&D et d’innover dans le segment du VAE » , souligne le député. La preuve, Valeo, équipementier automobile, s’est récemment lancé dans la fabrication de moteurs pour VAE. Bientôt un retour aux sources pour des entreprises dont certaines - Peugeot notamment - ont débuté leur activité en fabriquant de la petite reine ?
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